Gabriel Gaultier
Publicitaire, fondateur de l’agence Jésus & Gabriel
En tant que publicitaire, je suis évidemment concerné par cette phrase : « inspirer positivement la société », qui me paraît assez bien définir notre métier.
Faire de la publicité nécessite ce don qui consiste à transformer la contrainte en enthousiasme, le produit en solution miracle, le simple en emphase. En un mot, il faut y croire pour y faire croire. Avec, toujours, cette longueur d’avance qui fait qu’on peut dépeindre une société qui sera idéale le jour où, mettons, la voiture que l’on doit vendre sera enfin sortie. Prenons la publicité Dim dans les années 70. Elle faisait l’apologie d’une femme libérée de l’homme, fumant au petit déjeuner et s’habillant court, sautant dans un train pour Londres sur un coup de tête. Autant dire que c’était loin d’être un portrait représentatif de la femme française de ces années-là. Mais on peut dire que cette publicité a inspiré positivement la société en bousculant joyeusement les idées reçues. Et si des milliers de femmes se sont dit : « Ah oui, un monde comme ça c’est mieux que faire la bonniche pour mon mec », on peut dire que la publicité a inspiré positivement la société.
Si on en revient à aujourd’hui, tout le monde est d’accord pour constater une panne d’inspiration globale de la société. Sentiment exacerbé par les crises qui nous tétanisent : covid bien sûr, mais bien avant : mondialisation, consumérisme, perte d’identité, dégradation effarante des ressources planétaires, compte à rebours climatique. Et si on y regarde bien, tous les maux d’aujourd’hui viennent du fait que depuis quinze ans nous n’inventons plus. On voit aussi que cette mise sous l’étouffoir de notre capacité d’imaginer, non seulement n’aide pas à résoudre les problèmes auxquels nous devons faire face, mais souvent les crée.
Deux exemples, pris dans l’actualité. Pourquoi tant de retard sur la voiture électrique alors que nous nous targuions jadis d’être des « créateurs d’automobiles » ? Pourquoi aucune alternative aux néonicotinïdes dans nos champs n’a été trouvée, alors que la France devrait être leader sur des solutions agricoles éco-compatibles ? Dans les deux cas le temps a été gâché à camper sur un statu quo imbécile au lieu d’avancer et d’inventer.
On voit par là qu’inspirer positivement la société est une nécessité vitale et que les médias, la pub en fait partie, ont un rôle à jouer.
Raconter le monde de demain, mettre en scène des solutions enthousiasmantes, c’est aussi servir d’aiguillon pour que le marché se réveille, que les pouvoirs publics retrouvent le goût de l’audace. En tant qu’acteur populaire de premier ordre, le groupe TF1pourrait par exemple être la plus grande plate-forme d’emploi et d’idées pro-actives de notre pays.
Autre idée : encourager le prochain lancement de la formidable Dacia Spring, première voiture électrique populaire, qui pourrait être le sujet d’une sitcom sur une des chaînes du groupe.
On voit par là que l’inspiration est d’autant plus forte qu’elle s’appuie sur du concret, du possible et qu’elle dessine un monde à portée de main.
Pour ma part je suis en train de lancer un magazine d’utopie politique : BIG BANG « Le magazine des possibles », qui devait sortir en Novembre sous forme d’almanach et dont la sortie est repoussée au printemps, crise sanitaire oblige. Il y sera question de faire de Marseille la capitale de la France et de réaliser les Etats Unis d’Afrique.