Sarah Farahmand
Productrice, Newen
La raison numéro un pour laquelle je fais des séries, c’est de divertir le public. Le faire rêver, l’emmener ailleurs le temps d’un épisode. C’est une mission que je trouve vraiment noble.
La dimension d’inspiration est bien sûr forte dans une série, et encore plus dans une série quotidienne, parce que le public suit tous les jours ces personnages, les voit grandir. On peut s’identifier à des héros à l’écran qui se dépassent pour atteindre leurs objectifs, et à notre tour oser : faire une déclaration d’amour, ou prendre des risques professionnels. Ce format permet de développer sur le long terme leurs dilemmes, leurs hésitations ; cela facilite d’autant plus la projection. Dans Ici Tout Commence, on suit des personnages qui ne sont a priori pas faits pour réussir dans le milieu de la cuisine, comme Elodie, qui est une élève aveugle, ou encore Elliot, un garçon non binaire. Ce sont des personnages qui sortent des codes habituels et classiques de la haute gastronomie, dans leur apparence ou leur nature, mais qui ont une passion et une volonté de fer pour y arriver. Leur parcours peut inspirer positivement, amener à se dire : ce n’est pas parce que je pars avec des obstacles que je ne peux pas les franchir et réussir.
On a la responsabilité de refléter la société française d’aujourd’hui, de représenter sa diversité et d’inspirer tout le monde.
On peut aussi aborder des sujets plus graves, comme le déni de grossesse ou encore le problème de la violence conjugale, comme on l’a fait dans Demain Nous Appartient, et, qui sait aider certaines femmes à faire face à leurs propres situations. Autre exemple : dans Ici Tout Commence, on diffuse en ce moment une arche sur une étudiante qui devient escorte sans s’en rendre compte, parce qu’elle a des soucis financiers. C’est aussi un thème de société, la précarité étudiante, qu’on traite de façon romanesque : on reste une fiction, pas un documentaire. On essaie toujours d’avoir une juste mesure entre des sujets de société et des sujets plus divertissants, qui restent ce que nos publics recherchent.
La fiction permet de faire passer des messages qui nous tiennent à cœur. Avec Ici Tout Commence, on dispose d’une plateforme d’expression pour parler de la consommation locale, et plus largement de notre planète demain. Cela procède d’une forme d’engagement de notre part, mais aussi d’un souci de réalisme. Toutes les écoles hôtelières que nous avons rencontrées nous l’ont dit : que ce qui intéresse aujourd’hui les élèves, ce n’est plus la cuisine moléculaire, mais la question écologique, comment consommer mieux et moins demain, réduire les déchets. On ne le fait pas juste pour cocher des cases et avoir des labels, c’est une réalité de la génération qu’on montre à l’écran. D’autres sujets de société divisent plus, par exemple le véganisme. De plus en plus de personnes se posent la question de la consommation d’êtres vivants, pour des raisons écologiques ou éthiques. C’est sensible, car des personnes vivent de l’élevage et de la consommation d’animaux. On ne veut pas les culpabiliser – ce serait très facile de le faire. Une enseignante végane va arriver dans la série, pour sensibiliser les élèves et leur faire prendre conscience de ce que c’est que de tuer et de consommer un animal. Mais derrière on a des personnages forts dans la série, qui ne vont pas se sentir sensible à cela et considérer que la culture française, c’est de consommer de la viande. Sur ce type de sujet, on va essayer d’avoir les deux opinions, en veillant à ne stigmatiser personne.
On a la responsabilité de refléter la société française d’aujourd’hui, de représenter sa diversité et d’inspirer tout le monde. Tout le monde doit pouvoir se reconnaitre dans les personnages, quel que soit son origine, son milieu social, son orientation sexuelle. C’est une question qui se pose dès qu’un nouveau personnage arrive dans la série. On parle constamment avec les auteurs et les réalisateurs des choses qui manquent à l’écran, ou qui fonctionnent bien et qu’on pourrait pousser. Le personnage d’Elliot a ainsi pris énormément d’ampleur depuis le lancement de la série. Parce qu’il est hyper positif, et qu’il suscite une vraie adhésion du public. On fait également très attention aux rapports hommes-femmes. On essaie de traiter les préjugés qu’il peut y avoir, tout en mettant en avant des femmes de pouvoir dans la série.
Leur parcours peut inspirer positivement, amener à se dire : ce n’est pas parce que je pars avec des obstacles que je ne peux pas les franchir et réussir.
Aujourd’hui, les retours qu’on reçoit sont très positifs. Certains fans écrivent aux comédiens pour leur dire que, grâce à eux, ils ont osé se dépasser. Sarah-Cheyenne Santoni, la comédienne qui joue Elodie dans la série, s’est rapprochée d’associations d’aveugles pour être crédible dans son rôle, et ces associations ont été enthousiastes sur le fait de montrer qu’une personne aveugle pouvait très bien faire de la cuisine. Des parents d’enfants mal voyants nous disent aussi que cela leur donne énormément d’espoir. Cela nous conforte dans nos choix. Se dire que l’on a pu peut-être inspirer positivement la vie d’une personne, c’est déjà génial.